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Projet Sabah : la lettre collective des élèves du collège Jean Macé à Medhi Lounès, 17 ans, personnage fictif du film
--> résultat de 4 séances d'ateliers d'écriture

Certains éléments du film Sabah intègreront des témoignages écrits par des élèves de collèges dans le cadre d’ateliers d’écriture mis en place par l’As de PIC en partenariat avec le service prévention de la Ville de Sainte-Geneviève-des-Bois et l’écrivain Sadek Aïssat. Ce travail s'est appuyé sur une lettre censée être écrite par Medhi, 17 ans, qui raconte le drame dont il a été l'acteur : Medhi « s’amuse » à lancer des pierres sur un véhicule de pompiers sans savoir qu’ils portent secours à sa propre sœur, Sabbah, victime d’un accident mortel et dont la vie dépend de l’arrivée rapide des pompiers… Les élèves du collège Jean Macé de Sainte-Genviève-des-bois ont écrit individuellement une lettre en réponse à celle de Medhi. Voici la mise en forme de ce travail effectuée par l'acrivain Sadek Aïssat



"Il est 21 heures et je t’écris. A l’heure où je t’écris, la lumière s’éteint doucement derrière la fenêtre de ma chambre, bientôt la nuit va étendre sur le jour son long manteau étoilé.
Je te tutoies, car je te vois, je vois comment tu es. Les mots que tu dis me permettent de te connaître. Tu dis dans ta lettre que tu ne veux pas de pitié, mais accepte ma compassion, je partage ta douleur.
Ta lettre m’a profondément ému. Beaucoup de choses. C’est pourquoi j’ai décidé de t’écrire.
D’autres pourraient qualifier cela d’étrange, mais moi j’ai tout de suite compris ton chagrin. Il est vrai que je n’ai pas connu des moments si durs, j’ai beaucoup de chance, je n’ai pas « enduré ». Je ne te juge pas non plus, j’ai juste un sentiment de haine contre la violence. Je ne veux pas te plaindre, je sais juste la violence des sentiments qui t’ont poussé à faire toutes ces choses.
Quand ton père est mort, tu as commencé à sortir la nuit. Et la nuit t’a pris.

En lisant ta lettre, j’ai pensé à A., une de mes amies. Elle n’a jamais connu son père. Les seules choses qu’elle sait sur lui, elle les a apprises à la lecture de son casier judiciaire et du compte-rendu du divorce de ses parents. Pendant quatre ans, elle a vécu dans une famille d’accueil et ne voyait sa mère que de temps à autre. Elle vit de nouveau avec sa mère et son frère, mais elle est toujours habitée par une absence. Jusqu’à l’année dernière, elle était insupportable, dans la genre caillera, tu vois. Elle adorait mettre le bazar. Comment elle faisait galérer sa mère ! Il a fallu que sa mère ait un accident sérieux pour qu’elle comprenne, qu’elle cesse d’en vouloir au monde entier.
Peut-être que c’est parce que sa douleur m’est familière que j’ai tout de suite reconnu la tienne.

Moi, dans ma famille ça va. Juste un petit frère, mimi comme tout, mais qui me fait régulièrement péter les plombs. Et puis aussi deux petites sœurs, mais avec elles ça se passe bien. Mes parents sont mariés. C’est un peu chiant d’être l’aîné de la famille car tout te tombe sur le dos. J’ai fait quelques bêtises par-ci par-là, j’ai failli foirer ma sixième, mais en gros je m’en sors plutôt pas mal. A un moment, je pensais que mes parents étaient trop sur mon dos, je me disais qu’ils ne m’aimaient pas, maintenant je comprends qu’ils veulent seulement me protéger, parce qu’ils m’aiment précisément. Maintenant, s’il m’arrivait le même drame que toi, grâce à toi je crois que je saurai rester dans le droit chemin, je t’en remercie.
A l’école ça marche, je passe en 3e, mais je vais sûrement changer de collège pour aller en sport-études, pour le hand-ball, le sport que je kiffe grave depuis l’âge de six ans. Tu ne parles pas de sport dans ta lettre. Tu devrais en faire, tu verras, ça change les idées. Mon pote Abdoulaye, c’est un dingue de foot. Si tu l’entendais en parler…

Je me souviens de mon entrée au collège, moi aussi je flippais, j’étais si petit et je me suis retrouvé avec des géants de dix mètres. Heureusement, il y avait quelques copains du CM2. Le collège est un passage difficile car c’est l’adolescence. C’est vrai qu’il y en a plein qui mettent la pression, faut faire plein de trucs pour se faire remarquer : il faut répondre aux profs, se comporter normalement c’est faire la lèche aux profs ; il faut glander, parler caillera, se gazer tout le temps, s’embrouiller, s’habiller d’un certaine façon. Tout le monde doit ressembler à tout le monde. Il pleut souvent des bagarres. Ce matin encore une bagarre a éclaté. Ils étaient trois garçon contre un autre seul. C’était courageux… Et puis il y avait tous les autres autour qui étaient accourus regarder le spectacle…
J’ai quelques potes à qui je peux parler, me confier. Un ami, c’est quelqu’un à qui tu peux dire des choses sans qu’il répète à tout le monde. C’est aussi un complice, si vous faites une connerie ensemble, il ne te mettra pas tout sur le dos, il assumera sa part de responsabilité.
C’est bientôt les grandes vacances. Je suis content de partir un peu à la mer.
Moi aussi on se moque de moi parce que je ne suis pas beau de l’extérieur, je ne porte pas des marques. Je crois que ce qui compte, c’est comment on est à l’intérieur de soi, et la qualité de nos actes qui fait notre beauté intérieure.

Dès le début, tu aurais dû parler de ta peine. Moi non plus je n’aime pas afficher ma tristesse, mais je t’avoue que le soir chez moi, quand je suis dans le noir, il m’arrive de pleurer. Pleurer ça fait toujours du bien, tu sais.
Ma grand-mère est morte quand j’avais trois ans. Je ne comprenais pas, j’étais trop petit, je crois que je n’avais pas pleuré à ce moment-là. Mais aujourd’hui, il y a des moments où elle me manque grave. Je me dis alors que la vie c’est nul, puisque de toute façon on doit mourir. Mais quand je pense à ma famille, mes amis, mes rêves…
Un jour, j’ai entendu quelqu’un dire que « la vie n’est qu’un long combat qui se termine par la mort, donc ça ne sert à rien de lutter. » On peut penser que c’est vrai, mais il manque un élément essentiel dans ce raisonnement : le vie elle-même, être heureux, rire –mais aussi pleurer parfois-, voir ses amis, voir grandir sa famille, réaliser ses rêves…
Non, il ne faut pas fuir devant la vie, même s’il y a des problèmes, des souffrances.
Le mec qui a dit ça gâche sa vie, mais aujourd’hui il ne s’en rend pas compte. Plus tard, il comprendra, et, évidemment, il regrettera. Un peu comme toi, non ?

Medhi, je t’aurais connu dans la cité, je t’aurais considéré comme une racaille, mes parents t’auraient détesté. J’ai raconté ton histoire à ma mère, et je pense qu’elle n’aura pas, désormais, le même jugement sur les jeunes qui traînent dehors le soir, et qui parfois nous ont fait du mal. Il est difficile de comprendre certains : ils sont dans la bouse de vache, et veulent y rester parce qu’ils s’y sentent à l’aise. Oui, peut-être un jour comprendront-ils, quand comme toi la vie les aura baffés.
Ma cité n’est pas vraiment chaude, mais il y a quelques uns qui partent en live, parce qu’ils ont, comme tu le dis, « le mauvais esprit ». Le mauvais esprit, c’est ne jamais penser aux autres, ne pas comprendre ce qu’ils peuvent ressentir, ne jamais essayer de se mettre à leur place. En fait, ceux qui ont le mauvais esprit pensent qu’ils sont nuls, qu’ils n’ont aucune chance de s’en sortir. Personne n’est nul, nous avons tous un avenir. Et tous un avenir différent. Ils disent être contre le système, mais ils subissent un système qu’ils fabriquent eux-mêmes. Ils ne se respectent pas dans le fond, ils se trompent dans leur tête. Ce sont des choses que je ne comprends pas bien, je veux dire comment est-ce qu’on en arrive à se mettre là-dedans. Toi qui vient de là, explique le moi.

Il y a quelques années, j’étais en vacances en Espagne avec ma famille. Nous étions sur la terrasse mes cousins et moi, et pour nous amuser nous avons vidé des bouteilles d’eau sur des passants. Ils n’étaient pas contents, et ils sont montés voir nos parents. Mes cousins et moi, nous étions étonnés. On voulait juste s’amuser un peu quoi.
Il m’est aussi arrivé de me moquer de copains au collège, pas pour faire mal, c’était pour rigoler. Mais ça fait mal. Je l’ai appris, car j’ai mal quand on se moque de moi.
Quand tu as caillassé la voiture des pompiers et crevé ses pneus, tu voulais t’amuser toi aussi, épater les potes. Mais voilà, les pompiers allaient porter secours à ta sœur heurtée par une voiture conduite par d’autres jeunes qui eux aussi voulaient déconner un peu.
Cela m’amène à te parler du respect. Comment vivre ensemble si on se respecte pas, s’il n’y a pas un minimum de règles ? S’il n’y avait pas de lois, le monde serait chaotique, ce serait vraiment le Livre de la jungle. Enfin, plus qu’il ne l’est.
Il y a des lois injustes, je l’avoue, ou parfois la justice est mal rendue, elle n’est pas appliquée de la même manière pour tout le monde. C’est pourquoi beaucoup de jeunes ne portent pas plainte et règlent leurs affaires à leur manière. C’est vrai, il y parfois des injustices si grosses, qu’ils ne croient plus à la justice. Mais il y a aussi des lois qui protègent, qui nous donnent droit à l’éducation, le droit d’étudier, et des choses comme ça.
C’est peut-être parce que les lois ne sont pas toujours suffisantes, ou mal appliquées que Sabah, ta sœur, avait fondé une association pour venir en aide aux plus faibles, pour façonner l’avenir.

L’été, le soleil se couche plus tard, mais il se couche quand même. La rue, le quartier sont silencieux. J’aime bien écouter le silence. Si ça pouvait être comme ça tous les soirs ! La lune est entrée dans l’atmosphère de la nuit.
Je suis aussi triste que toi. Mais tu ne peux retourner en arrière Medhi.
Toi, tu écrivais, tu rêvais d’être un écrivain. Si ton désir est fort, tu y arriveras. Vas-y Medhi, s’il te plaît, ne baisse pas les bras. C’est ton chemin, ne t’en éloigne plus. Tu avais perdu ta foi, Medhi.
Prends soin de ta mère.

Tes amis"


Texte écrit par :
Isabelle Marie ACHART ; Tarik AKDOGAN ; Audrey CAPITAINE ; Sarah COLIN ZHAIR ; Sevda GOCDEMIR ; Emeline Pauline LAFON ; Najoua LATRACH ; Carine LOPES PEREIRA ; Gaëlle Marie MALARD ; Adrian MERIBAULT ; Thomas MINGOTAUD ; Karim OUSTOU ; Loriane Virgini RAULIN ; Adrien Michel SEGUIN ; Sezen SEYHAN ; Alexandra SOLTANE ; Adama SY ; Abdoulaye TCHABO ; Rigobert THEVENEAU ; Farid TIFFA ;

Classe de 4e 4 de Madame Carine Vidal, collège Jean Macé

Mis en forme par Sadek Aïssat
Ste-Geneviève-des-Bois, Juin 2004
Ecrit par , à 21:16 dans la rubrique "écriture scénario Sabah".



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